Prenez une projection polaire, c’est-à-dire une carte centrée sur le Pôle Nord, et tracez une ligne entre le Cap Nord, en Norvège, et le pôle.
À peu près à mi-chemin, vous découvrirez une poignée d’îles arctiques sauvages, l’archipel du Svalbard dont l’île principale est le fameux Spitzberg.
Montagnes enneigées, nombreux glaciers, vastes plateaux désertiques, fjords spectaculaires et côtes arides, une véritable mosaïque de paysages totalement privés d'arbres.
Nous sommes en quelque sorte sur le toit du monde, au sein de contrées tout à fait septentrionales puisque la boussole affiche entre 77 et 82° Nord. C’est l’occasion rêvée pour découvrir les merveilles d’une nature préservée.
Partons à la recherche des représentants de la faune locale, bêtes à plumes et bêtes à poils, terrestres ou marines, qui ont su s’accommoder de conditions extrêmes.
Oiseaux des falaises du Spitzberg
Malgré sa situation éminemment nordique, le Spitzberg héberge de vastes populations des représentants de la faune ailée, particulièrement les oiseaux de mer.
Comme toujours en milieu polaire, la diversité spécifique n’est pas énorme, en revanche le nombre d’individus au sein de la même espèce peut s’avérer très impressionnant. Ainsi, certaines falaises vertigineuses sont peuplées de dizaines de milliers d’oiseaux de mer !
Les guillemots de Brünnich, typiquement arctiques, se rassemblent en très grand nombre et la roche est littéralement recouverte de ces oiseaux à la livrée noire et blanche.
Ils ne bâtissent pas de nids, l’œuf est pondu sur une corniche et la couvaison effectuée le ventre contre la paroi. Fin du fin, l'oeuf ne roulera pas en cas de bousculade car il est pyriforme, c'est à dire en forme de poire, et il se balancera comme un culbuto au lieu de tomber...
Le petit guillemot quitte le nid avant de savoir voler, son père l‘encourage à sauter pour le rejoindre dans l‘eau et entamer une migration à la nage, mais s‘il rate son coup, le renard arctique ou un goéland peuvent l'attendre en bas, et le voyage tournera court !
Quelques macareux moines, cousins des guillemots à l’incroyable bec multicolore, s’abritent au fond d’anfractuosités. Dans la même famille, le mergule nain, le plus petit des cousins, niche dans les éboulis et vole littéralement sous l'eau pour attraper de tout petits crustacés.
Autre locataire de la falaise, la mouette tridactyle aux pattes noires et au bec jaune qui elle aussi, affectionne les irrégularités de la roche pour se reproduire… Tout un monde, à l’image d’un grand immeuble où chaque espèce aurait sa place !
Les ailes de la toundra
Toutes les espèces qui nichent au Spitzberg sont migratrices et passent l’hiver ailleurs, à l’exception du lagopède alpin, une sorte de perdrix des neiges bien équipée pour la saison froide. Ses doigts sont emplumés, ce qui le protège du froid et lui permet en outre de marcher sur la neige sans s’enfoncer : de véritables raquettes.
C’est aussi un champion du camouflage, avec un plumage gris-brun-roux tacheté en été qui le rend très difficile à repérer dans la toundra, et une tenue d’hiver presque toute blanche !
Quant au bien nommé bruant des neiges au plumage blanc et noir, l’équivalent arctique de notre moineau, c’est le seul passereau chanteur qui niche régulièrement au Spitzberg.
La grande famille des oies et des canards est plutôt bien représentée, citons la jolie bernache nonnette en habit de religieuse, coiffe comprise, qui glane des végétaux aquatiques autour des lacs et marécages.
Le célèbre eider à duvet au sous-plumage à la fois léger et très chaud, a pour sa part mis au point bien avant nous un système très efficace de crèches : les poussins sont gardés à tour de rôle et les adultes peuvent ainsi prendre quelque repos et se nourrir.
De nombreux petits échassiers – phalaropes, bécasseaux, tournepierres – écument la toundra humide à la recherche de petits invertébrés.
Et n’oublions pas les sternes arctiques, élégantes cousines des mouettes qui nichent en colonies - au sol - et n’acceptent pas que la limite virtuelle de leur territoire soit franchie : maints voyageurs se sont approchés trop près et se souviennent encore de leur bec vermillon très pointu !
Herbivores et carnivores : renne du Svalbard et renard arctique
Du côté des mammifères terrestres, il y a peu d’élus : renne du Svalbard et renard arctique. Le premier appartient à la famille des Cervidés, comme cerf ou chevreuil, mais c'est le seul chez lequel mâle et femelle portent tous les deux des bois.
Le renne vit en petits groupes, souvent non loin des colonies d’oiseaux, dont les fientes servent d’engrais à une végétation profitable aux herbivores.
Le renard arctique aussi apprécie la proximité des oiseaux, mais pour une autre raison : il est très amateur d’œufs et de poussins, et ne dédaigne pas une carcasse échouée, dusse-t-il la subtiliser à d’autres !
En hiver, il adopte la même technique de camouflage que les lagopèdes pour mieux les surprendre, en se revêtant d’un pelage blanc immaculé très efficace sur fond de neige ou de glace…
Le seigneur de l’Arctique
Quant au seigneur de l’Arctique, le majestueux ours polaire, il est souvent considéré comme un mammifère marin, comme l’atteste son nom scientifique Ursus maritimus. En effet, son milieu de prédilection est la banquise, c’est-à-dire la mer gelée ! C’est là qu’il vit et qu’il chasse…
Pendant les mois où la banquise est présente et suffisante pour supporter son poids. Car, bien que bon nageur, l’ours ne peut rivaliser dans l’eau avec les phoques, ses proies préférées.
La naissance a lieu dans les terres, dans une cavité de neige, l'ourson naît nu et aveugle, à peine plus gros qu'un chaton.
Et au printemps, la mère emmène son ourson et lui apprend à chasser : un affût à proximité du trou de respiration du phoque – phoque annelé surtout-, et hop, une prodigieuse détente et un coup de patte équipée de griffes aussi acérées que des poignards… il faut reconnaître que cela ne marche pas à tous les coups.
Et lorsque la banquise n’est pas là, le jeûne est de mise : quelques baies, parfois un cadavre de mammifère marin, au pire ses propres réserves de graisse !
C’est la raison pour laquelle la fonte de la banquise, qui diminue la durée de la saison de chasse de l’ours, lui est préjudiciable. Notre ami plantigrade est aperçu régulièrement sur les côtes du Svalbard, mais aller « flirter » avec la banquise un peu plus au nord accroît les chances de l’observer.
Morses, phoques et baleines au Spitzberg
Le morse est un autre emblème de l’Arctique.
Cousin proche des phoques et otaries, faussement débonnaire, il est énorme : les mâles peuvent peser jusqu'à 2 tonnes et atteindre 3,60 m.
Bien sûr ce sont ses défenses, 2 canines hypertrophiées nettement plus longues chez les mâles, qu’on identifie le plus aisément. Elles servent d'attribut pour montrer sa puissance, se battre parfois, et l’aident à se hisser sur la glace.
L’espèce a failli disparaître au Spitzberg au début des années 50 à cause de l’ivoire, mais la population s’est reconstituée après avoir été protégée. Le petit phoque annelé, nous l’avons vu, est le plat favori de l’ours, qui parfois s’attaque aussi au phoque barbu, 3 fois plus gros.
Le représentant des baleines à dents le plus régulièrement observé autour du Spitzberg est le béluga, sorte de grand dauphin entièrement blanc à l’âge adulte.
Enfin, plusieurs baleines à fanons fréquentent ces eaux froides riches en nutriments : baleine à bosse, petit rorqual, rorqual commun, et pour les plus chanceux, il n’est pas impossible de croiser la route de l’immense baleine bleue, ou, plus rare encore, celle de la baleine du Groenland !