Sous les hautes latitudes, les conditions deviennent bien difficiles pour les végétaux terrestres : froid, vent, manque d’eau, lumière excessive ou obscurité prolongée font partie des défis à relever qui nécessitent de grandes facultés d’adaptation.
Les basses températures obligent les plantes à lutter contre le gel alors qu'elles ont besoin d'eau sous sa forme liquide. D’autant que les vents violents accélèrent leur déshydratation. La nuit polaire ou le jour continu affectent les mécanismes indispensables comme la photosynthèse et l’été est très court…
Au final, de nombreuses circonstances atténuantes qui expliquent que les paysages polaires – surtout en Arctique – soient dominés par la toundra, cette espèce de steppe caractérisée par une végétation basse composée de lichens, de mousses, de petites fleurs et d’arbres rabougris.
Une couverture végétale moins dense, des espèces moins abondantes et pas très variées, mais en revanche, remarquablement adaptées et résistantes !
Pourquoi une végétation rase en zone polaire ?
Pas de hasard !
Si les plantes ne se développent pas en hauteur, c’est d’abord parce que le sol est gelé une grande partie de l’année.
Ce pergélisol, c’est son nom, ne va dégeler que pendant quelques semaines, et encore… sur quelques centimètres ou décimètres : impossible pour les racines de s’implanter en profondeur, la barrière glacée ne peut être franchie.
Alors, la flore polaire reste de taille très modeste avec de petites racines comme la majorité des fleurs arctiques, soit elle adopte le mode croissance horizontale, et on s’étend sur le sol, comme quelques arbustes de la toundra.
C’est d’autant plus prudent que le vent ne fait pas semblant de souffler sous ces latitudes ! Donc plus celle-ci est près du sol, mieux elle se porte car elle ne risque plus d’être cassée net ou gelée sur pied, et de surcroît elle passera l’hiver sous la neige, bien au chaud.
Le saule arctique l’a bien compris, lui qui culmine à quelques centimètres – un des plus petits arbres du monde - mais occupe le terrain : les plus vieux se répandent parfois sur de vastes surfaces.
Quant au bouleau nain, espèce relique de l’ère glaciaire, on le trouve davantage dans la toundra arbustive, mais il ne dépasse pas le mètre de hauteur, prudence oblige. Des paysages que vous pourrez aisément découvrir lors d'une excursion en zone polaire.
Inventions dans la toundra arctique
Afin de lutter contre la rudesse du climat, les fleurs du Grand Nord rivalisent d’ingéniosité pour mettre au point des stratégies de survie efficaces.
Parmi elles, le silène acaule. Une toute petite fleur rose qui a définitivement compris que l’union faisait la force.
Ces silènes sont en effet pelotonnés les uns contre les autres pour se tenir chaud, ils n’ont quasiment pas de tige (c’est ce que signifie le terme « acaule ») afin d’être au plus près du substrat, et leurs premières fleurs s’ouvrent côté sud pour absorber le maximum des rayons du soleil, d’où le nom de « plantes boussole » dont on les qualifie parfois.
Et ce n’est pas fini : cerise sur le gâteau, ces silènes se regroupent sur des « coussinets » de végétation, dont la forme bien arrondie n’offre aucune prise au vent, limitant ainsi le refroidissement et conservant bien l’humidité lors du dégel !
Le pavot arctique, cousin jaune ou blanc de notre coquelicot, suit le soleil à la manière du tournesol pour concentrer lumière et chaleur.
D’autres, à l’instar du pédiculaire hirsute, se sont équipés d’une véritable doudoune polaire : feuilles et tiges sont recouvertes d’une épaisse toison les protégeant du froid. Que d’imagination ! Assurément, la nature et ses adaptations n’ont pas fini de nous étonner !
Être botaniste en Antarctique
Jusqu’à présent, nous n’avons cité que l’Arctique.
Mais qu'en est-il de la flore de l’autre côté du monde ?
Il n’y a que deux espèces de plantes à fleurs en Antarctique, essentiellement réparties sur la côte occidentale de la Péninsule. Elles sont toutes les deux rares, minuscules et endémiques, c’est-à-dire qu’on ne les trouve que dans cette région du monde.
La première, et aussi la plus commune, est une graminée d’à peine quinze centimètres de haut ; c’est la canche antarctique qui se plaît dans les fissures remplies de terre des rochers, en petites touffes irrégulières. On l’identifie facilement, c’est la seule herbe du continent !
La seconde, encore plus discrète, haute de cinq centimètres, est la sagine antarctique. Cette plante aux petites fleurs blanches pousse en coussinets, comme le silène acaule de l’Arctique, elle est donc résistante au vent et conserve une température et une humidité convenables.
La canche autant que la sagine profitent pendant le court été austral de l’humus produit par les générations successives de mousses et de lichens. Mais ce qui leur plaît davantage encore, c’est la proximité des colonies de manchots : chacun sait que le guano est une source formidable de nutriments !
Drôles d’hybrides : les lichens
Souvent considérés comme des plantes à part entière, les lichens sont en réalité le résultat d’un mariage étonnant : la symbiose entre une algue et un champignon !
La partie champignon offre un abri de qualité à son partenaire, et surtout lui fournit de l’eau, des sels minéraux et des vitamines, tandis que la partie algue est chargée de la photosynthèse.
Compte tenu qu’ils sont capables de coloniser les milieux les plus hostiles, les lichens occupent évidemment une place de choix en Arctique ainsi qu’en Antarctique.
Au sein de ces deux bouts du monde, plusieurs centaines d’espèces adhèrent aux rochers en déclinant des teintes de jaune ou d’orange, de vert, de gris ou de noir.
À l’instar des algues, des mousses et des fleurs, ils affectionnent particulièrement les colonies d’oiseaux riches en nutriments, mais à l’inverse ils sont capables de croître dans des zones rocheuses dénuées de toute autre vie.
Ce sont des champions de la résistance au froid, grâce à leurs capacités de déshydratation intense, mais on pourrait leur accorder d’autres records, dont celui de longévité : certains seraient millénaires…