Sylvain Mahuzier : un expert des régions polaires
Qui êtes vous ?
Mon nom est Sylvain Mahuzier, on pourrait dire que je suis guide naturaliste, ou guide conférencier, ou guide polaire, ou naturaliste voyageur, ou ornithologue… mes enfants avaient un peu de mal à définir mon métier à chaque début d’année scolaire, lorsque les enseignants leur demandaient de préciser le métier de leur père.
En réalité tous ces métiers ne font qu’un, celui de naturaliste, même s’ils présentent plusieurs facettes : expliquer les comportements des guillemots sous une falaise à oiseaux, raconter la vie des manchots papous tout près d’une colonie ou encore exposer les raisons pour lesquelles un ours polaire se dirige vers notre embarcation sans aucune appréhension.
Je suis également amenée à donner des conférences en salle sur les mammifères marins qui fréquentent les eaux islandaises, ou sur la nature de régions du monde tels que la Géorgie du Sud ou l'Alaska... Sans oublier les articles à rédiger, les livres à écrire ou encore les études ornithologiques à conduire sur le terrain !
Il est vrai que j’ai eu la chance de tomber dans la marmite très tôt, avec un grand-père explorateur-cinéaste qui m’a initié à l’ornithologie et à la nature en général, et un autre grand-père qui m’a tout appris sur la photographie…
Pourquoi cette attirance envers les milieux polaires ?
Les grands espaces bien sûr, mais aussi les extraordinaires adaptations de la faune et de la flore aux conditions difficiles de ces milieux inhospitaliers. Et bien sûr la magie des lumières, tout en pastels, qu’elles soient boréales ou australes !
L'Arctique : le continent
Comment décririez-vous les spécificités de l’Arctique ?
Tout d’abord, comme chacun sait, l’Arctique est centré sur un océan partiellement recouvert de glace et entouré de continents. Si l’on fait exception du Groenland, la glace est plutôt minoritaire dans le paysage. En revanche, on la retrouve sous la forme du pergélisol (permafrost en anglais), ce sol gelé en permanence typique des régions arctiques.
La toundra est le milieu naturel dominant. Elle se retrouve sous plusieurs formes : la toundra herbeuse, buissonnante ou même parfois arborée avec l'explosion au printemps de centaines d’espèces de fleurs, et enfin la toundra rocheuse, constellée de fleurs multicolores, naines voire minuscules.
Parlez nous de la faune Arctique
La faune arctique est majoritairement terrestre : loup arctique, renard polaire, lièvre arctique, lemming, bœuf musqué, renne côté eurasien ou caribou côté américain (c’est la même espèce), et bien sûr l’ours polaire, seigneur du Grand Nord et moins strictement terrestre puisque son milieu de prédilection reste la banquise.
Ce qui n’empêche pas la faune marine d’être bien présente, en témoignent par exemple les impressionnantes falaises à oiseaux de mer où guillemots, petits pingouins (oui pingouin et pas manchot !) et macareux moines effectuent leurs allers-retours incessants par milliers, ou encore les phoques, les baleines et des dauphins nettement arctiques comme les bélougas et les narvals.
Autre aspect fondamental qui singularise l’extrémité nord de la planète : son histoire et ses habitants. Cela fait des millénaires que le domaine arctique est occupé par les groupes humains dont descendent les populations autochtones d’aujourd’hui : les Inuits au nord de l’Amérique, les Lapons en Europe du Nord, les Yakoutes et bien d’autres « petits peuples du nord de la Russie » en Sibérie.
Si l’on réunit les régions arctiques et subarctiques, on compte environ 4 millions d’habitants. On n’oublie souvent que 10 % de ces femmes et de ces hommes représentent les peuples premiers, réunis en une soixantaine de groupes !
l’Antarctique : le continent blanc
Pouvez-vous maintenant nous décrire l’Antarctique ?
L’Antarctique, c’est le négatif de l’Arctique : une masse continentale couverte de glace et isolée au milieu de l’immense océan Austral. La glace occupe 98 % de ce grand continent blanc, et par endroits atteint presque 5 km d’épaisseur !
Seules trois régions laissent apparaître la roche : la péninsule antarctique, les monts transantarctiques et les vallées sèches. Ces dernières étant probablement les endroits les plus secs au monde, complètement déshydratées par les vents violents et le froid.
La végétation est réduite aux mousses, lichens et algues, mais n’oublions pas les deux seules espèces de plantes à fleurs que l’on compte sur le continent : la canche antarctique et la sagine antarctique !
Cette fois, la faune est entièrement marine : les manchots, bien sûr, emblèmes du Grand Sud et si formidablement adaptés à ces milieux hostiles, les skuas, les pétrels et bien d’autres, et chez les mammifères marins, les baleines bien sûr, puis une représentante des otaries, « l’otarie à fourrure antarctique », qui comme son nom l’indique possède un manteau de fourrure, tout à fait étanche, et plusieurs phoques très différents de ceux de l’Arctique, dont l’impressionnant léopard de mer, redoutable prédateur qui terrorise les manchots…
Quant aux habitants… il n’y en a pas vraiment, dans ce sens qu’aucun n’est permanent ! Ce sont les baleiniers et les phoquiers qui les premiers ont côtoyé l’Antarctique. Les hommes y ont débarqué, au 19ème siècle seulement : il faut dire que le continent blanc est tellement isolé !
Aujourd’hui, des équipes scientifiques réparties dans une cinquantaine de bases sont régulièrement renouvelées.
Antarctique ou Arctique : quelle région choisir ?
Avez-vous une préférence, plutôt Arctique ou Antarctique ?
C’est une question à laquelle il est très difficile de répondre, vraiment…
Ces 2 bouts du monde sont tellement différents en matière de paysages, de glace, de faune et de flore, d’histoire et d’exploration, de géopolitique, qu’il est facile de leur trouver à chacun de multiples attraits !
Islande, Groenland et Spitzberg sont des destinations extraordinaires, avec peut-être l’avantage en l’Arctique de pouvoir y faire des rencontres humaines (en plus des rencontres avec la faune !). Mais une visite en péninsule Antarctique pour y croiser les gigantesques icebergs tabulaires et faire connaissance avec les manchots cocasses et attendrissants, c’est absolument formidable aussi !
Alors, que faut-il choisir pour une croisière en zone polaire ? L'Arctique ou en l'Antarctique ?
Cela dépend du temps dont vous disposez. Si vous voulez partir profiter de l’été arctique ou si vous êtes disponibles en hiver pour aller chercher l’été austral, ou encore si vous avez des idées de découverte très précises : là où l’ours polaire vit, il n’y a pas de manchots, et réciproquement…
Une réponse de Normand ? Non, simplement une réponse de guide polaire !