Au Nord était le Pôle…
Tout commence par une quête. Celle du point exact d’intersection entre l’axe de rotation de la Terre et la surface terrestre. Le point de rencontre parfait de tous les méridiens et donc de tous les fuseaux horaires. Le point de l’Heure zéro, ou de toutes les heures en même temps.
Frederick Cook vs Robert Peary : match nul
L’américain Frederick Cook accompagné de 2 Inuits y serait parvenu le 21 avril 1908. Mais le doute persiste sur l’exactitude de ses relevés, certains le soupçonnant même de n’avoir jamais véritablement chercher à approcher le pôle. Un an plus tard, le 6 avril 1909, un autre américain revendique cet exploit. Robert Peary s’y photographie avec son équipe composée de Matthew Henson et de 4 Inuits prénommés Oatah, Egingwah, Seegloo et Ookeah. Bien qu’ayant un temps été reconnu officiellement comme étant « le premier homme arrivé au Pôle Nord », les soupçons ont ensuite planés sur le fait qu’il se soit lui aussi trompé dans ses estimations, qu’il ait surestimé la cadence humainement supportable du chemin retour et qu’il ait même été jusqu’à voler la vedette à son co-équipier, véritable « premier » sur les lieux avec 45 minutes d’avance.
Norge ou le 90°N par les airs
C’est depuis le ciel qu’un autre explorateur norvégien cherchera à s’attribuer le mérite de la conquête du pôle. Féru d’aviation, Roald Amundsen s’y reprendra à 2 fois, non sans risquer sa vie, avant de parvenir enfin à survoler sa cible. Accompagné de Lincoln Ellsworth, Oscar Wisting, Hjalmar Riiser-Larsen et Umberto Nobile, ils décollent du Svalbard à bord du dirigeable le Norge le 11 mai 1926 et survole le mythique point 90°N à 1h30 avant de se poser en Alaska 2 jours plus tard.
Le Pôle en solo
C’est à Naomi Uemura, un explorateur japonais, que revient l’exploit de la première expédition en solitaire jusqu’au Pôle. Le 29 avril 1978, il atteint son but après un voyage éprouvant de 800 km sur les traces de l’expédition de Peary, en traineau à chien et avec un ravitaillement par les airs.
89°993N : c’est le point de convergence mythique atteint un peu moins de 10 ans plus tard par l’explorateur français Jean-Louis Etienne. A la différence qu’il tira seul et à ski son traineau durant 63 jours, en se guidant grâce au soleil et une simple balise Argos. Les GPS et téléphones satellites n’existant pas à l’époque, l’exploit n’en est que plus remarquable aujourd’hui. Il est ensuite connu pour son engagement dans des expéditions scientifiques à vocation écologique et environnementale.
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Expéditions sur le cercle arctique
Gjøa et le passage du Nord-Ouest
C’est un autre exploit que le norvégien Roald Amundsen précédemment cité a réalisé entre 1903 et 1905-1906 à bord du navire de pêche le Gjøa. Au terme d’un périple de plus de 2 ans (1903-1905/1906) il réussit là où ses prédécesseurs ont tous échoué en ouvrant la voie maritime du Passage du Nord-Ouest, couloir mythique dans le grand nord canadien entre l’Océan Atlantique et l’Océan Pacifique.
Paul-Emile Victor et le Groenland
Après avoir navigué un temps avec Jean-Baptiste Charcot sur le Pourquoi pas ? et entamé une première immersion chez les Inuits du Groenland, Paul-Emile Victor traverse en 1936 l’île d’ouest en est avec ses compagnons d’aventure. A son arrivée, c’est seul qu’il prolongera son immersion dans la culture inuit pendant 14 mois supplémentaires. Cette passion pour le Groenland l’amènera plus tard à diriger 14 expéditions sur l’île et dans l’Arctique à la tête de l’EPF – Expéditions Polaires Françaises entre 1947 et 1976 ; 17 autres l’amèneront jusqu’en Terre Adélie en Antarctique.
Antarctique : terre de conquêtes, de science et de paix
Dernier continent exploré, l’Antarctique (ou Antarctide) a longtemps conservé sa réputation de terre de glace impénétrable. La fin du XIXème et le début du XXème siècle mettent progressivement un terme à la découverte des côtes, aux hivernages prolongés et marquent le début de l’exploration intérieure des terres. En une dizaine d’années, les expéditions mythiques vont s’enchaîner. Objectif affiché : la conquête très disputée du point géographique le plus austral du globe. Retour sur ces grandes expéditions, pour certaines tragiques...
Discovery, Nimrod, Terra Nova… La ténacité britannique
C’est un trois-mâts en bois renforcé d’acier, conçu spécialement pour affronter les mers glacées qui part le 31 juillet 1901 avec à son commandement le lieutenant Robert Falcon Scott. Discovery est la première expédition nationale vers l’Antarctique et elle est britannique. Particulièrement longue et éprouvante, elle se soldera par une demi-victoire, les membres de l’équipe ne parvenant pas à atteindre parfaitement leur objectif. Le 30 décembre 1902, Scott, Wilson et Shackleton se rapprochent malgré tout au plus près du pôle, à 82°16’Sud, là où jamais personne n’avait encore pénétré. Avec 7 chiens en moins sur un attelage de 19 au départ, ils sont malheureusement obligés de rebrousser chemin, rongés par le froid et la faim. Ils resteront encore un an prisonniers des glaces avant de réussir à repartir, au début de l’année 1904.
Déterminé à réussir, le même Ernest Shackleton renouvellera l’expérience le 19 octobre 1908 lors de l’expédition Nimrod. L’équipée avancera jusqu’au point 88°23’Sud, à un peu moins de 200 km de leur but. Ils planteront l’Union Jack avant d’être contraints de faire demi-tour pour être accueillis en héros en Angleterre en juin 1909.
Ne s’avouant pas vaincu, Robert Falcon Scott revient lui aussi sur les traces de Discovery au début de l’année 1911 à la tête de la Terra Nova. De Cap Evans, il se lance alors sans le savoir dans sa dernière course folle et tragique à la conquête du pôle…
Scott - Amundsen : duel mythique
Car au même moment, Roald Amundsen et Fridtjof Nansen, deux vétérans de l’Arctique, explorateurs norvégiens exceptionnels, s’associent presque en secret. Le Fram jette l’ancre dans la Baie des Baleines au tout début de l’année 1911, à 100 km de moins du pôle que Cap Evans, où Scott est installé. Loin d’être ennemis, les conquérants du pôle se voient plus comme des concurrents, Amundsen rendant même visite à Scott sur son campement. Après une nuit polaire et de longs préparatifs, l’équipée norvégienne quitte le campement de la Framheim (maison du Fram) le 19 octobre 1911. Le record de Shackleton tombe le 8 décembre et le 14 décembre à 15h, le Pôle Sud est foulé. Sur le plateau baptisé du nom du roi Haakon pour l’occasion, le drapeau norvégien est planté, une tente est dressée (la Polheim – maison au pôle), du matériel ainsi qu’un mot sont laissés pour Scott. Mais ce dernier n’arrivera qu’un mois plus tard au terme d’un périple cauchemardesque. Le 15 janvier, 2 jours avant leur arrivée, Scott écrit dans son journal qu’il redoute de voir flotter le drapeau norvégien… Le cauchemar se poursuit donc le 17 janvier, quand en arrivant, ils découvrent l’étendard symbole de la victoire norvégienne. A cet instant, Amundsen et Nansen ne sont qu’à 8 jours de leur point retour. L’équipe de Scott repart épuisée et désespérée ; elle ne parviendra jamais à regagner le campement de base. Huit mois plus tard, une équipe de secours retrouve les 3 corps gelés de Scott, Wilson et Bowers à 18 km seulement de leur dépôt de vivres. Si Amundsen savoure sa victoire dans un premier temps, il est ensuite attristé par la mort de son homologue anglais une fois celle-ci publiquement annoncée et relayée à la une des journaux du monde entier.
Richard Byrd : vol au-dessus de l’Antarctique
C’est un peu moins de 20 ans plus tard qu’un nouveau défi est relevé par Richard Byrd, un contre-amiral de l’US Navy : celui de survoler le pôle en avion. Il y parvient le 29 novembre 1929 aux commandes d’un Ford Trimotor baptisé Floyd Bennett. Ce succès remarqué lui vaudra de prendre ensuite la tête de deux expéditions menées par l’US Antarctic Service, créée en 1939. La plus connue et la plus importante jamais menée étant la colossale Opération Highjump lancée au lendemain de la guerre, le 26 août 1946. Officiellement, son objectif était scientifique et cartographique : explorer l’Antarctique. Officieusement, elle avait une visée militaire (tests psychologiques de résistance aux conditions extrêmes, expérimentation d’armement, développements technologiques, etc) et stratégique en cherchant à établir la souveraineté des Etats-Unis sur le continent blanc. Mais divers incidents tragiques précipitèrent la chute de l’expédition dans le courant de l’année 1947.
Et la France dans tout ça ?
Depuis la découverte de la Terre Adélie en 1840, la France n’a plus pris part à l’exploration polaire du continent austral. Au début du XXème siècle, plutôt que de se lancer dans la conquête d’un pôle déjà bien disputée, elle organise 2 missions de recherche scientifique sous l’égide du charismatique Commandant Charcot.Le bilan de la première, lancée entre 1903 et 1905 à bord du trois-mâts goélette le Français, est exceptionnel et les objectifs largement dépassés : 1 000 km de côtes découvertes, 3 cartes marines détaillées, 75 caisses de matériaux scientifiques et de notes destinés au Muséum d’Histoire naturelle de Paris.La seconde expédition débute en 1908 à bord du Pourquoi Pas ?, un bateau d’exploration polaire de 40 mètres qu’il fait construire sur-mesure pour l’occasion : un trois-mâts barque équipé d’un moteur et comportant 3 laboratoires ainsi qu’une bibliothèque. L’hivernage débute en août 1908 sur l’île Petermann et reviendra 2 ans plus tard riche de nombreuses découvertes et avancées scientifiques :
Mais, comme de nombreux membres de l’équipage, Jean-Baptiste Charcot est victime du scorbut et l’épuisement le contraint à rentrer plus tôt qu’il n’espérait en juin 1910. Figure emblématique de l’exploration scientifique française en Antarctique, il a transformé notre connaissance et notre rapport au continent en l’enrichissant de données considérables et en tirant déjà à l’époque l’alarme de la surexploitation de la faune marine.
Tout au long du XXème siècle, des stations d’exploration scientifiques seront créés et installées de manière pacifique et coopérative. Le 23 juin 1961 entrait en vigueur le Traité sur l’Antarctique signé en 1959 à Washington entre des nations du monde entier. Il confère au continent un statut juridique spécial destiné à garantir aux signataires une liberté d’accès, une autonomie de recherche tout en s’engageant à veiller à la préservation de cet environnement que l’on sait fragile. Le bellicisme des hommes a comme plié devant la grandeur du dernier des continents, faisant de lui une terre dédiée à la recherche scientifique et à la neutralité des nations.