À Venise, la musique flotte comme une magie sur la lagune et peu de villes européennes ont une tradition musicale aussi longue et aussi prestigieuse que celle de la Sérénissime.
De la musique ancienne à la musique contemporaine et, de Adrian Willaert à Luigi Nono, en passant par Gabrieli, Monteverdi, Vivaldi, Wagner, Malipiero et tant d’autres, partons à la découverte des compositeurs qui ont donné à la cité des Doges toute sa splendeur musicale.
La musique à Venise est un trésor culturel et ses figures incontournables sont à découvrir lors d'une croisière musicale avec concerts et causeries à bord ou dans des salles de concerts mythiques.
Naissance de la musique à Venise : l’héritage de Byzance et la Basilique Saint-Marc
Héritière de l’héritage byzantin de la polyphonie, l’âge d’or de la musique à Venise débute en 1527 (l’année du sac de Rome) avec l’arrivée d’un merveilleux musicien bourguignon-flamand : Adrian Willaert.
Venu des contrées du nord de l’Europe, il sera maître de chapelle de la grandiose Basilique Saint-Marc. Un lieu emblématique de la ville dont il saura exploiter, à des fins musicales, les caractéristiques architecturales pour écrire en écho pour deux orgues ou deux chœurs.
Ainsi naitra le fameux style cori spezzati. Cette polychoralité et ce style d’écriture constituent l'une des évolutions stylistiques majeures menant à ce que l'on appelle aujourd'hui art baroque et deviendront une des spécificités musicales de l’école vénitienne.
Connue sous le nom de Cappella Marciana, le célèbre chœur de la basilique Saint-Marc de Venise sera très vite considéré comme l’un des deux chœurs liturgiques les plus importants d'Italie avec celui de la chapelle Sixtine de Rome.
À la tête de cette prestigieuse chapelle des Doges se succéderont des musiciens comme Andréa Gabrieli, un des maîtres incontestés de la musique vénitienne du 16e siècle, puis l’immense Claudio Monteverdi qui occupera le poste pendant 30 ans.
Surnommé « l’oracle de la musique », son premier opéra Orfeo (1607) est l’un des plus grands événements de l’histoire de la musique et annonce l’opéra moderne.
Viendront ensuite des musiciens remarquables comme Pier Francesco Cavalli, Giovanni Legrenzi, Antonio Lotti, Baldassare Galuppi qui sera, en son temps, plus célèbre que Vivaldi et dont on peut voir la statue érigée sur la seule place de l'île de Burano, son île natale.
Quand Venise inventa les conservatoires de musique
Fondés entre le 12ème siècle et le 16ème siècle, c’est grâce à la qualité de l’enseignement musical donné aux jeunes filles que les Ospedali deviendront, au 18ème siècle, des conservatoires de grand renom.
Leur réputation sera telle que les plus grands musiciens vénitiens seront sollicités pour y enseigner.
La cité des Doges en comptera quatre: l’Ospedale dei Mendicanti, le plus ancien, l’Ospedale dei Derelitti (ou Ospedaletto), l’Ospedale degli Incurabili et, bien sûr le “vivaldien” Ospedale della Pietà…
Un vivier de jeunes artistes
S’il était interdit aux jeunes filles pensionnaires de jouer hors de leur institution, il leur était aussi théoriquement interdit de composer.
Mais, dans les faits, les règlements étaient beaucoup plus souples et on redécouvre aujourd’hui quelques compositrices issues de ces conservatoires comme Anna Bon, la violoniste Maddalena Lombardini Sirmen ou encore Vincenta Da Ponte…
Et la « Sérénissime » accoucha de l’opéra
Avec Monteverdi et Cavalli, Venise va voir la naissance d’un genre musical nouveau promis au plus bel avenir : l’opéra ou le fameux « drama per musica ».
Mêlant tous les arts, l’opéra sera le véritable étendard de l’exubérance baroque. Très vite, une passion va naître alors entre les Vénitiens et l’opéra public, qui trouvera dans la cité lagunaire un public enthousiaste et nombreux.
C’est ainsi qu’en 1637, s’ouvre à Venise la toute première maison d'opéra du monde : le Teatro di San Cassiano.
Une destination idéale pour un voyage musical
Comment mieux résumer l’esprit de cette ville unique au monde ? Si ce n’est en y ajoutant le voyage comme invitation…
Partez en musique au cours d'une croisière à la découverte de la sublime cité des Doges. Les plus belles pages de la musique classique vous accompagneront tout au long de ce voyage dans un riche programme de concerts servi par des artistes tout à fait exceptionnels qui vous dévoileront les plus belles partitions des nombreux compositeurs amoureux de la Sérénissime.
Venise au rythme des saisons et des modes européennes
Dans une période qui marque l’apogée de la musique vocale italienne, des musiciens comme Antonio Vivaldi et Johann Adolf Hasse naissent dans un contexte où le monopole vocal des anciens Pays-Bas et autres Franco-flamands est passé à celui des musiciens italiens.
Et si Antonio Vivaldi est à la Sérénissime ce que Mozart est à Salzbourg, les marchands de bonbons en moins, la musique de celui que l’on surnommait le « Prêtre roux » a fait rayonner la Cité des Doges bien au-delà des frontières de lʹItalie et porté à son apogée la célèbre école de Venise.
Mais quelle étrange destinée que celle de ce prêtre-compositeur, inventeur du concerto pour soliste ! Admiré par Jean-Sébastien Bach et célébré de son vivant dans toute l’Europe, il mourra oublié et dans la plus totale misère à Vienne.
Il faudra attendre le 20ème siècle pour que des musicologues s’intéressent à son œuvre colossale et il est à parier que bien des redécouvertes sont encore à venir.
Lui succédant dans le cœur versatile des Vénitiens, c’est d’Allemagne que viendra s’établir à Venise Johann Adolf Hasse, « Il divino Sassone ».
Après avoir été maître de chapelle de la cour de Pologne et de Saxe, il sera, dès 1730, maître de chapelle à l’Ospedale degli incurabili et trouvera la gloire à Venise ainsi qu’une épouse en la personne de la célèbre cantatrice Faustina Bordoni.
De Campoformio à nos jours, décadence et grandeur de Venise
À la suite des vicissitudes de l’histoire, Venise sera réduite à l’état de simple ville de province marquée par l’imaginaire artistique d’un romantisme crépusculaire qui inspirera à Franz Liszt La Lugubre Gondole.
Mais la cité n’en continuera pas moins d’exister et de connaître de grands moments musicaux avec la création d’opéras de Gioachino Rossini, Gaetano Donizetti et Giacomo Meyerbeer sur la scène de la mythique Fenice, devenue le principal opéra de la ville à partir de 1792.
Véritable scène d’expression du calore risorgimentale sous l’occupation autrichienne, c’est toujours à la Fenice que seront créés quatre opéras (dont Rigoletto et la Traviata) de Guiseppe Verdi, le chantre de la jeune nation italienne.
La Mort à Venise de Richard Wagner
En 1858, alors qu'il compose Tristan et Isolde, la liaison amoureuse que le compositeur de la Tétralogie entretient avec Mathilde Wesendonck est éventée et Richard Wagner part pour Venise.
Il y reviendra en 1883 et s'installera en famille au Palais Vendramin. Le 24 décembre, il dirigera sa Symphonie en do majeur à la Fenice.
Le 13 février 1883, une ultime crise cardiaque le terrasse définitivement. C’est son fidèle gondolier, Luigi Trevisan, qui mènera sa dépouille en gondole jusqu'à la gare Santa Lucia.
Une nuit de voyage en train la ramènera à Bayreuth où le compositeur repose dans le caveau de Wahnfried.
La musique à Venise au XXe siècle
Dès 1930 Venise redeviendra pour les musiciens du monde entier un lieu privilégié avec l’instauration, dans le cadre de la Biennale, du Festival International de musique contemporaine.
Dans les « valeurs nouvelles » figureront William Walton puis Igor Stravinsky et Benjamin Britten qui marqueront l’histoire de la création musicale à de Venise. Il est à souligner que Stravinsky et Serge Diaguilev, le fondateur des ballets russes, reposent pour l’éternité dans le cimetière de l’ile de San Michele.
Et on ne peut finir ce rapide survol des siècles musicaux vénitiens sans évoquer Gian Francesco Malipiero qui exercera une influence considérable sur la vie musicale de l'Italie de l'après-Première Guerre mondiale.
Travaillant à retrouver la sobriété et la gravité expressive de la grande tradition de la Renaissance italienne, il sera directeur du Conservatoire Marcello de Venise et aura pour élèves Luigi Nono et Bruno Maderna.
Vénitien comme Malipiero et pionnier de l'écriture sérielle et de la musique expérimentale, Bruno Maderna sera un des plus authentiques représentants du renouveau de la musique italienne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
De son côté, Luigi Nono a profondément marqué l'histoire musicale de son temps, surtout en Italie et en Allemagne. Grand agitateur moral et communiste engagé, Nono a suivi de près l'histoire sociale et politique mondiale. Il est mort à Venise le 8 mai 1990.
Et si vous vous demandiez si la musique à Venise avait encore une résonance dans l'actualité musicale, la meilleure réponse est sans doute cette liste de lecture…